Finalement, on n'a pas souvent de contempler la foule des fidèles depuis l'autel. Enfin, quand on est journaliste. Ce 9 décembre, l'équipe de Et maintenant, on va où? est installée dans l'église Notre Dame de Jeita, petit bâtiment de pierre sur les hauteurs au-dessus de Beyrouth. Pour la poste, on est rue des Églises, parce qu'il en a une seconde, moderne, en béton, juste à côté. Il y a aussi deux salles paroissiales, l'une sert de vestiaire, de salle de maquillage, l'autre accueille une veillée funèbre.
Dans le village qu'ont imaginé Nadine Labaki, Rodney Al Haddad et Jihad Hojeily (les coauteurs du scénario) il y a une église et une mosquée. Les extérieurs ont été filmés dans un village isolé de la plaine de la Bekaa, où les deux bâtiments coexistent effectivement, même si l'église est déserte. L'intérieur est donc loin de la Bekaa, dans la banlieue exclusivement chrétienne de Beyrouth. Devant l'autel, sur un pilier, se dresse une statue de la Vierge, en robe blanche et bleue, sur les joues de laquelle un accessoiriste a fait couler des larmes de sang.
A ses pieds, une dame vêtue d'une robe de chambre rouge est agenouillée, presque en transe. Dans le film, elle s'appelle Yvonne, c'est la femme du maire, une notable impérieuse. Dans la vie, elle s'appelle Yvone Maalouf*, c'est une notable de Douma, naguère membre du conseil municipal, remarquée dans une rue de la petite ville lors des repérages. C'est un autre exemple de ces "civils" qui ne savaient pas qu'ils étaient comédiens avant de croiser le chemin de la très efficace organisation de Nadine Labaki.
Devant l'une des deux grosses caméras numériques qui sont placées dans le choeur, un assistant agite un encensoir, pour faire monter jusqu'à l'objectif des fumées qui exacerberont encore l'ambiance mystique de la scène. Aujourd'hui, Nadine Labaki est en costume, elle tient l'un des rôles principaux du film (comme dans Caramel). Elle s'adresse à ses comédiens pendant les prises et les Français de l'équipe technique (le directeur de la photographie Christophe Offenstein, l'ingénieur du son Michel Casang...) qui n'entendent pas l'arabe, ne savent pas toujours si Nadine fait l'actrice ou la réalisatrice. Chaque prise dure très longtemps. Lara Chekerdjian, productrice exécutive libanaise, me fait remarquer "sur un autre tournage, les comédiens demanderaient à partir au bout d'un certain temps. Mais pour la cause de Nadine Labaki, tout le monde est prêt à travailler très tard". Et puis, c'est un bon endroit pour les pratiques ascétiques.
Post scriptum: voici une image du jeune comédien Mustapha Sakka qui m'a impressionné hier.
PPS: le tournage s'achève dans dix jours. Le film sera terminé au printemps 2011; il sortira dans les mois qui suivent.
* et non pas Anjo Rihane comme je l'avais écrit. Le personnage que joue cette dernière - l'une des rares comédiennes professionnelles de la distribution - s'appelle Fatmeh. Toutes mes excuses aux intéressées. Pour tout avouer j'ai aussi corrigé le nom du directeur de la photo et rajouté celui du troisième scénariste que j'avais oublié.